Aller à l’école en Inde

Une école publique - Bihar 2011

Disons que je m’appelle Mira ou peut-être Rajesh (clin d’œil) et que je suis née en Inde. Beaucoup de choses semblent déjà établies pour moi : la caste à laquelle j’appartiens va avoir une influence sur ma scolarité, de même que les moyens financiers et les attentes de mes parents. J’irai à l’école publique ou privée. Plus ou moins longtemps. Pour apprendre les fondamentaux, certes, mais aussi peut-être me préparer un métier ou faire des études. Un peu comme en France, finalement.

Le temps scolaire

Je vais à l’école de mi-juillet à mi-mai, du lundi au vendredi, pour quatre heures trente de cours. L’année est entrecoupée de vacances d’une semaine et demie. En fait, chaque État et chaque école a son fonctionnement. Horaires, nombre et durée des cours peuvent varier.

J’arrive à l’école pour sept-heures dix au maximum, la classe commence à sept-heures trente. Elle est découpée en plusieurs sessions de trente minutes. À la récréation, je reste souvent en classe pour bavarder, plaisanter ou finir mes exercices; parfois, je sors jouer si mon école dispose d’une cour !

L’influence britannique

Elle se ressent dans le port de l’uniforme, la pratique du bachotage – c’est-à-dire de l’apprentissage par cœur au détriment du raisonnement et de la résolution de problèmes. L’accent est mis sur les objectifs individuels, scientifiques, universels et moraux, ainsi que sur la nature des activités extrascolaires : le sport, les disciplines artistiques et… le scoutisme.

Je déjeune à l’école !

Le gouvernement subventionne la fourniture des repas dans les écoles publiques pour améliorer la santé et l’éducation. D’ailleurs, à l’École à Bodh Gaya, le déjeuner est particulièrement copieux et je peux parfois emporter des restes pour ma famille pauvre.

Les toilettes, aïe aïe aïe !

Il y a quelques écoles sans toilettes et dans d’autres, le tiers d’entre elles sont inutilisables. Pas facile surtout quand on est une fille ! Dans ces cas-là, les filles quittent l’école dès qu’elles ont leurs règles.

On ne parle même pas du manque d’eau potable dans 25 % des écoles.

L’école est finie !

Je peux alors faire du sport, peindre, dessiner, faire de la musique etc. ou encore rejoindre ma section de scouts. Souvenez-vous, c’est le modèle britannique qui prévaut !

L’éducation gratuite est obligatoire de six à quatorze ans

Si je vais au jardin d’enfants (notre maternelle), je fais beaucoup d’activités et j’y apprends l’autonomie.

Ensuite, les choses sérieuses commencent.

Vers six ou sept ans, je vais à l’école primaire. La numérotation des grades est inversée par rapport à votre pays. Être en 1ère année signifie entrer au CP ! À la fin du primaire, l’école me délivrera un certificat de scolarité.

J’entre à l’école intermédiaire vers onze ou douze ans pour trois ans ans, en 6ème année, qui correspond exactement à votre classe de 6ème (c’est un bon repère pour s’y retrouver !).

Je peux ensuite aller à l’école junior pendant deux ans.

À seize ans, je serai en classe 10 et passerai mon premier examen de l’école secondaire en anglais, mathématiques, sciences sociales, sciences, une langue et une matière optionnelle selon la disponibilité des enseignants. Ce sera souvent l’éducation physique, le commerce, l’économie ou l’écologie.

À l’École à Bodh Gaya, les études s’arrêtent à la classe 10 ; les élèves pauvres qui sont reçus à l’examen peuvent recevoir une bourse pour continuer leurs études.

Je devrai ensuite choisir un tronc commun en mathématiques, commerce ou sciences sociales pour accéder à l’école senior, en classes 11 et 12.

Je terminerai ma scolarité secondaire à dix-huit ans.

Et ensuite ?

Je ferai peut-être partie des 20 % des élèves qui deviendront étudiants, en me dirigeant vers un enseignement technique et professionnel ou en allant à l’université. Les instituts de technologie sont très importants en Inde. Il y a une coopération totale entre ces instituts et les sociétés professionnelles qui complètent la formation de base, organisent les examens, etc.

Mais si je suis une fille et malgré mon éducation scolaire, professionnelle ou universitaire, je choisirai souvent de rester à la maison par tradition culturelle ou religieuse ou parce qu’il sera temps pour moi de me marier. Je respecterai les décisions de mes parents. Le plus souvent et surtout dans les familles les plus aisées. Car pour les plus pauvres, travailler restera toujours une nécessité même si les parents souhaitent toujours s’y opposer.

Quand ça ne se passe pas si bien que ça

Sans surprise, il y a de grandes disparités entre les enfants selon la qualité de l’enseignement public, en crise, et leur habitat. En zone rurale, la moitié des enfants ne savent pas lire à l’âge de dix ans et sont incapables d’effectuer une division. Moins de la moitié continue l’école après l’âge de quatorze ans. Un quart des écoles n’ont pas de bibliothèque. Les trajets maison-école sont parfois longs et exténuants.

À Bodhgaya, la plupart des enfants n’allaient à l’école que pendant trois ans – ce qui a été le cas pour Rajesh. Le reste, il l’a appris tout seul.

L’absentéisme endémique des professeurs est pour beaucoup dans l’échec éducatif. Les taux d’absences oscillent entre 15 % et… 42 %. Chaque année, cet absentéisme coûte deux milliards de dollars à l’État (source : banque Mondiale). Et même quand ils sont présents, seule la moitié enseigne réellement (source : étude Kremer). C’était et c’est peut-être encore le cas à l’école publique de Bodhgaya, où l’école se résumait à la seule fonction de garderie. Les instituteurs venaient « pointer » une fois par semaine pour continuer à toucher leurs salaires. La plupart de ces professeurs ont un autre travail en parallèle et il y a tant de corruption que personne n’est sanctionné.

Une école publique - Bihar 2011
Une école publique dans les environs de Bodh Gaya en 2011

Pour un enfant et dans ces conditions, la seule façon d’aller à l’école et d’obtenir un enseignement réel est d’aller dans une école privée, très chère pour les parents. Rajesh a vendu son sang pour que son frère Vishal puisse y aller. Ses enfants sont actuellement dans une école privée.

Il existe également un marché noir des diplômes vendus par des universités dont le personnel est corrompu. L’une d’elles en a vendu des dizaines de milliers en dix ans. Les notes sont également augmentées artificiellement. Un nombre considérable d’universités ont déjà été fermées par l’État pour ce motif.

Quelles perspectives ?

Lancé en 2009, le programme Saakshar Bharat est un plan national visant à augmenter le taux d’alphabétisation des indiens et leur capacité à compter – celle des femmes en particulier – ainsi qu’à promouvoir et renforcer l’apprentissage chez les adultes qui n’ont pas eu l’opportunité d’accéder à l’éducation ou de terminer les programmes prévus. Il permet d’apprendre un métier et des compétences spécifiques. L’État agit en facilitateur et fournisseur de ressources et travaille à l’échelon local au plus près de la population par le biais des Centres d’Éducation pour Adultes de la Formation Continue.

Notre école

Notre école continue à demander un engagement fort de la part des professeurs pour fournir un enseignement de qualité et sans discrimination ainsi qu’une pédagogie respectueuse de l’enfant. Cet engagement est manifesté dans le « Serment des professeurs » que vous connaissez peut-être déjà. Sinon, c’est par ici : Le serment des instituteurs.

L’école va au delà de l’enseignement puisqu’elle propose aussi aux enfants, leurs parents et aux pauvres du village les services du dispensaire qu’elle a créé. Car la lutte contre la précarité, la pauvreté et l’illettrisme passe aussi par la santé.

Marilyn